Le vieux laboureur arrête l'attelage de boeufs sous le murier et lentement, gestes modestes et discrets appris par les ans, il essuie son front dégarni où la sueur perle et coule dans les rides, crevasses d'un visage couleur de glèbe grise.
En face du champ aux sillons francs et rectilignes le regard perçant s'égare un instant et valorise les images de l'ancien volcan, pic de lave solidifiée. La cheminée qui conduisait la lave au cratère est délivrée du cône par l'érosion des millénaires.
Le vieux monstre assoupi savoure la caresse du regard et murmurant ces vers crache quelques gouttes de lave, semence d'un temps proche où se déchaînera le magma sur cette terre tranquille :
"Bien des siècles depuis les siècles du Chaos,
La flamme par torrents jaillit de ce cratère,
Et le panache igné du volcan solitaire
Flamba plus haut encor que les Chimborazos.
Nul bruit n'éveille plus la cime sans échos.
Où la cendre pleuvait l'oiseau se désaltère ;
Le sol est immobile et le sang de la Terre,
La lave, en se figeant, lui laissa le repos.
Pourtant, suprême effort de l'antique incendie,
A l'orle de la gueule à jamais refroidie,
Éclatant à travers les rocs pulvérisés,
Comme un coup de tonnerre au milieu du silence,
Dans le poudroîment d'or du pollen qu'elle lance
S'épanouit la fleur des cactus embrasés."
Fleurs de feu - José Maria de Heredia. (Les Trophées, 1893).
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